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La diaspora gabonaise dans la construction du Gabon.

Diaspora Gabonaise

Lorsqu'on évoque le sujet de la « diaspora gabonaise », deux précisions sont importantes à relever. La première consiste à ne pas oublier que la diaspora gabonaise ne doit pas être limitée à celle qui vit en Occident.

La construction d’un pays nécessite l’implication de tous ses citoyens. C’est la raison pour laquelle, dans la plupart des pays développés, l’État investit dans le développement humain qui met l’accent sur le bien-être de l’individu dans tous les domaines de son existence. En effet, plus un individu parvient à répondre à ses besoins primaires, plus il s’investit pour la collectivité. Il est important de noter que cela ne peut se produire sans l’existence d’institutions viables qui permettent à chacun de contribuer à cette construction collective enrichie par le débat.

Les citoyens d’un État caractérisent les individus qui disposent, sur le territoire dont ils relèvent, des droits civils et politiques(1). Ces derniers peuvent aussi vivre à l’étranger. On parle alors de diaspora. Le terme diaspora réfère à «la dispersion d’une communauté ethnique ou d’un peuple à travers le monde ». Cette définition provient d’un lègue historique qu’il convient de rappeler. À l’origine le terme « Diaspora » désignait la dispersion des Juifs après leur captivité à Babylone et progressivement, il renvoie à la situation des Juifs qui vivent hors de leur territoire. Ce point est important dans la mesure où il illustre la raison pour laquelle, à l’époque, la diaspora se constituait de populations dispersées en raison d’une guerre ou une répression identitaire. Bien que les causes de la dispersion soient diversifiées de nos jours, il n’en demeure pas moins que d’une époque à l’autre, ce qui caractérise la diaspora, c’est le maintien des liens affectifs avec le pays d’origine.

La diaspora gabonaise désigne donc tous les gabonais.es dispersé(es) dans le monde pour des raisons économique, politique, sociale ou personnelle. Si nous prenons le cas de la diaspora gabonaise en France, les derniers chiffres font état approximativement de 12 000 ressortissants gabonais, dont 5396 étudiants. Pour rappel, la population gabonaise est estimée en 2021 à 2 284 912 habitants. Ce n’est donc qu’une poignée de Gabonais qui constitue la diaspora gabonaise en France et la plupart vient y poursuivre des études secondaires ou supérieures, d’autres pour travailler ou pour regroupement familial, d’autres encore pour des raisons d’exil politique.

Le sujet qui nous occupe dans cet article a pour objet de présenter l’intérêt de penser l’union entre la diaspora et les résidents dans des secteurs variés au service du développement du Gabon, qui constitue un véritable enjeu économique, social et culturel. L’Institut Concorde a souhaité comprendre l’importance d’une telle union et proposer des pistes de réflexion sur la question.

Diaspora Gabonaise

Problématique

Ainsi, la construction du Gabon peut-elle se faire sans l’implication de sa diaspora ?

Éléments de réponse 

Lorsque on évoque le sujet de la « diaspora gabonaise », deux précisions sont importantes à relever. La première consiste à ne pas oublier que la diaspora gabonaise ne doit pas être limitée à celle qui vit en Occident. En effet, se focaliser sur la diaspora gabonaise d’Europe ou d’Amérique du Nord, comme c’est souvent le cas, semble faire de cette dernière l’échantillon de mesure de base. Cela contribue à construire une vision erronée et incomplète de la question. D’autant que, sur le continent africain, il existe également une diaspora gabonaise. Dans des pays comme le Sénégal, l’Afrique du Sud, le Maroc ou la Tunisie par exemple, la présence gabonaise est non négligeable. De ce fait, il en découle une sorte d’invisibilisation des actions et de la valeur de la diaspora gabonaise vivant ailleurs qu’en Europe. Ce qui pourrait fausser le raisonnement sur l’apport de cette frange de la population dans le développement et le rayonnement du Gabon.

La seconde concerne la composition et la structuration réelle de la diaspora gabonaise. En effet, il faut préciser que la diaspora gabonaise est un ensemble multiple composé de
personnes de nationalité gabonaise qui disposent de profils et activités variés. On retrouve des associations (notamment culturelles), des artistes, des sportifs, etc., œuvrant tous pour le développement et le rayonnement de leur pays. Par voie de conséquence, la diaspora est un ensemble complexe et stratifié. Cette réalité constitue une preuve d’implication réelle qui ne saurait être ignorée et qui ne saurait par ailleurs permettre de porter un jugement définitif sur l’action de la diaspora. Force est de constater que l’omission de ces deux précisions participerait inévitablement à la construction d’une image biaisée de la diaspora gabonaise. Notamment celle en France. En effet, il existerait une tendance dans les médias, à axer essentiellement l’action de cette diaspora dans le champ politique. Ce qui semble s’être amplifié depuis 2016 à la suite de l’élection présidentielle qui a reconduit le président Ali Bongo Ondimba et suscité une vive contestation de nombreux Gabonais de la diaspora dans le monde. Pourtant, l’hyper médiatisation d’une partie de la diaspora gabonaise militante ne saurait l’emporter sur les autres actions menées au quotidien par une autre grande partie de la diaspora.

Les Gabonais.es qui vivent sur le territoire sont les résidants. Ce sont ceux qui sont établis professionnellement ou personnellement au Gabon et qui y mènent leur vie. Cette notion de résidant se distingue du résident qui se définit juridiquement comme « un individu habitant durablement dans un État autre que celui dont il a la nationalité (2) ». Certains d’entre eux exprimeraient souvent une exaspération face aux critiques émises par les Gabonais.es de la diaspora.

 

Vu sous cet angle, il peut être compréhensible que le propos soit mal perçu par ceux qui baignent dans la réalité politique, économique et sociale du Gabon qui n’est pas sans difficulté. Cela vaut autant pour ceux et celles qui ont séjourné à l’étranger et sont rentrés s’installer au pays que ceux-là qui ne l’ont jamais quitté. Un exemple très banal peut être pris pour illustrer cette réalité : le Gabonais de la diaspora qui revient passer les vacances au Gabon et qui constate, bon an mal an, que les choses n’ont pas beaucoup évolué depuis son départ ou que, malheureusement, elles se sont aggravées. De cela découlerait le fait que plusieurs Gabonais.es de la diaspora redoutent de rentrer dans leur pays estimant que les conditions d’accueil au moment de leur retour ne sont pas réunies.

 

 

Pourtant, ce qu’il est important de retenir pour tout gabonais de l’intérieur ou de l’extérieur tient dans la nécessité de renforcer et de structurer les liens, trouver et construire des voies et moyens pour consolider les rapports et les échanges dans des secteurs variés dans le but ultime de participer à l’émancipation du Gabon. Il est en effet improductif pour un pays qui émet le souhait de se développer, de présupposer que des nationaux vivant à l’extérieur des frontières ne peuvent pas participer au développement dudit pays parce qu’ils ne s’y trouvent pas physiquement. Il est préférable qu’une prise de conscience collective soit opérée, notamment de la part des autorités, sur le gain et l’opportunité considérable que constitue la diaspora si les voies et moyens sont trouvés afin d’en faire une véritable valeur ajoutée pour le Gabon.

 

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait mené une étude en 2012 sur
l’importance des diasporas dans le développement des pays d’origine et les leviers dont
disposent les décideurs et praticiens pour en bénéficier (3). Celle-ci met l’accent par exemple sur l’importance d’établir des passerelles entre les diasporas et leurs pays d’origine en créant notamment des institutions nationales chargées de cette coopération. Dans un monde en perpétuelle transformation, où les enjeux de développement sont multiples, il est nécessaire de déterminer quel peut être l’apport économique et social de la diaspora à son pays d’origine et de là, bâtir une stratégie de collaboration. Toutefois, dans le cas de la diaspora gabonaise, on peut noter des insuffisances sur le plan économique contrairement à d’autres diasporas sur le continent comme la diaspora sénégalaise souvent prise en exemple (4).


On pourrait également noter l’absence d’une réelle politique d’accueil à leur égard. En outre, certaines perceptions à l’égard de la diaspora aiguisent ces difficultés. En effet, il arrive par exemple que certains considèrent que la diaspora souffre d’une méconnaissance des réalités du pays et ne serait par conséquent pas légitime pour proposer des solutions ; pour d’autres encore, la diaspora ne serait pas confrontée aux difficultés économiques, politiques et sociales du pays, et n’aurait donc pas suffisamment de recul sur les enjeux du quotidien, etc. Ce qui parait véritablement incommode et injuste au regard des observations précédentes, mais également dans la mesure où, à travers les moyens de l’information et de la communication, la diaspora, aujourd’hui, peut sans difficulté être informée des réalités locales.


En effet, les Gabonais.es de la diaspora connaissent les réalités quotidiennes qui existent au Gabon et souhaiteraient, pour bon nombre d’entre eux, travailler en cohésion avec les acteurs de terrain et être force de proposition dans la fraternité et la bienveillance. Les perceptions de la diaspora et des résidants nous éloignent de l’essentiel et notamment de l’intérêt de savoir comment permettre aux Gabonais.es de la diaspora de contribuer au développement du Gabon en collaboration avec les locaux.

 

Le développement se définit globalement comme l’action de faire progresser et de donner de l’ampleur à quelque chose dans le temps. Quand on parle de développement, il est le plus souvent fait référence au développement économique qui désigne « les évolutions positives dans les changements structurels d’une zone géographique ou d’une population (5) ». Il est pourtant nécessaire d’élargir cette définition à d’autres types de développement tel que le développement humain qui a « pour objectif de créer un environnement dans lequel les individus puissent développer pleinement leur potentiel et mener une vie productive et créative en accord avec leurs besoins et leurs intérêts. Le rôle du développement consiste donc à élargir, les possibilités pour chacun, de choisir la vie qui lui convient (6) ». L’Institut Concorde est d’avis que cette définition du développement, plus englobante, devrait permettre de déterminer de quelle manière la diaspora pourrait contribuer au renforcement du potentiel national.

 

Dans cette optique, il serait intéressant d’établir des partenariats pour faire des Gabonais.es de la diaspora une source d’innovation, d’investissements et de création d’entreprises pour une croissance économique accélérée (7). Toutefois, le Gabonais de la diaspora qui veut investir ou se réinstaller dans son pays d’origine ne doit pas être perçu comme une menace. Cela nécessite une politique élaborée en amont par les autorités gabonaises pour un terrain propice au transfert des savoirs, des compétences, des flux d’investissements et de capitaux du pays d’accueil de la diaspora vers le pays d’origine. Mais cela demande surtout de veiller à ne pas créer des antagonismes entre la diaspora et ceux qui résident au Gabon.

Préconisations

Pour rendre cela possible, l’Institut Concorde préconise de :

1° Déconstruire les nombreux préjugés autour de la relation entre la diaspora et les
résidants gabonais.

Il s’agit de casser le mythe entretenu par une certaine frange de la population gabonaise autour de celui/celle qui vit à l’étranger qui apparait automatiquement comme « donneur de leçon » lorsqu’il souhaite apporter du changement au contexte actuel. En réalité, il sera utile de travailler à une nouvelle image de la diaspora. Tant des habitants restés au Gabon que des autorités. Cela nécessite, pour ces derniers de garantir un corridor adéquat pour instaurer une confiance mutuelle.

 

2° Construire une stratégie d’association de la diaspora au développement du Gabon.

Il est évident que la participation de la diaspora au développement de son pays d’origine ne peut s’effectuer sans une politique nationale qui l’encourage. Pour ce faire, il s’agira de
dresser un état des lieux de la situation ainsi que les forces en présence au sein de la diaspora gabonaise et de prévoir des organismes de mise en relation entre elle et son pays d’origine, chargés de définir la stratégie de son engagement et de sa contribution au développement de
son pays d’origine.

Conclusion

À travers cet article, l’Institut Concorde a voulu susciter une réflexion sur le rôle de la
diaspora gabonaise et notamment sa capacité à contribuer à la construction de son pays. Le but était d’apporter des éclaircissements, des éléments de réponses, et surtout de soulever le manque à gagner que constituerait une éventuelle mise à l’écart de la diaspora gabonaise dans le processus de développement du Gabon , étant donné que les uns et les autres appartiennent au même pays.

 

 

De nombreuses études ont pu illustrer l’importance pour les pays africains de considérer
l’apport de la diaspora pour l’amélioration des indicateurs de croissance économique et de progrès social (8) . Elles mettent également l’accent sur la richesse de l’expertise de la diaspora dans le développement national et régional. C’est donc une question d’utilité publique qui met en lumière l’importance et l’urgence de la diversification des sources de développement d’un pays.

 

 

Dans le cas du Gabon, « il est difficile de ne pas reconnaitre l’impact de la diaspora politique dans l’éclosion d’un nouveau type de citoyens gabonais. L’apport des mouvements politiques de la diaspora en France et aux USA [notamment] est incontestable ». Toutefois, nous pensons qu’il nous faut dépasser cette vision strictement politique et voir dans la diaspora un potentiel humain à mettre à contribution pour le développement du Gabon.

 

 

Dans ces conditions, il convient de travailler de concert, habitants, autorités et diaspora, à déterminer les termes de leur partenariat pour le bien du Gabon. Il faudra aussi se demander comment les différents corps de métiers pourraient agir depuis l’étranger ? Que peuvent-ils réellement apporter et dans quelle mesure peuvent-ils coordonner leurs actions avec les résidants et les autorités ? L’institut Concorde est d’avis que c’est sur ces axes que nous devons tous et toutes porter notre attention en tant que Gabonais.es et déployer nos efforts. Il conviendra dès lors de produire une étude plus détaillée sur la valeur ajoutée de la diaspora dans le développement économique et social du Gabon et quelle serait la meilleure collaboration possible entre la diaspora, les autorités et les habitants du Gabon.

 

(1) Raymond Guillien et Jean Vincent (dir.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2021.

 

(2) Raymond Guillien et Jean Vincent (dir.), op. cit., p. 486.

 

(3) Organisation internationale pour les migrations (OIM), Comment associer les diasporas au développement : manuel à l’usage des décideurs et praticiens dans les pays d’origine et d’accueil, Genève, OIM, 2012, disponible en ligne sur www.migrationpolicy.org/sites/default/files/publications/thediasporahandbook_french.pdf .

 

(4) www.rfi.fr/fr/podcasts/afrique-%C3%A9conomie/20210921-les-diasporas-vecteurs-du-
d%C3%A9veloppement-l-exemple-du-s%C3%A9n%C3%A9gal. « le Sénégal fait partie de la liste des pays dont le développement est en partie financé par sa diaspora. Pour Maguette Sèye, ambassadrice du Sénégal en France, la diaspora sénégalaise contribue déjà pour près de 13 % du PIB ».

 

 

(5) www.toupie.org/Dictionnaire/Developpement.htm (consulté le 10 novembre 2021).

 

 

(6) PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Paris, Bruxelles, DeBoeck & Larcier, 2001.

 

 

(7) OSFU, Le rôle de la diaspora dans la construction de la nation : leçon à tirer par les États fragiles et les États
sortant de conflits en Afrique, disponible en ligne.

 

 

(8) On peut citer notamment les études menées par la BAD en 2009 et 2011 intitulées : « les Africains résidant à l’étranger : tendances, structures et déterminants des migrations », « Approches relatives aux transferts de
dons des migrants », « mobiliser la diaspora africaine pour le renforcement institutionnel et le développement :
le cas des États fragiles », citées dans OSFU, Le rôle de la diaspora dans la construction de la nation : leçon à
tirer par les États fragiles et les États sortant de conflits en Afrique, disponible en ligne.

Une réponse

  1. bravo pour ce travail félicitation, très bonne analyse que le seigneur vous bénisse. je travaille sur ce thème et espère que les autorités actuelles comprennent l’importance d’une rencontre avec la diaspora afin de lever les obstacles. Notre pays mérite mieux

Une réponse

  1. bravo pour ce travail félicitation, très bonne analyse que le seigneur vous bénisse. je travaille sur ce thème et espère que les autorités actuelles comprennent l’importance d’une rencontre avec la diaspora afin de lever les obstacles. Notre pays mérite mieux