La confrontation entre les droits coutumiers et les droits fondamentaux en Afrique
- publié le 31 janvier 2024
- Institut Concorde
Si de l’extérieur les droits fondamentaux doivent s’imposer face aux droits coutumiers, dans la pratique les droits coutumiers plus anciens et plus ancrés apparaissent parfois plus légitimes aux yeux de ces pratiquants.
Un célèbre proverbe africain affirme que « pour se réconcilier, on ne vient pas avec un couteau qui tranche, mais avec une aiguille qui coud ». Ce proverbe semble s’appliquer à la confrontation entre les droits fondamentaux et les droits coutumiers sur le continent africain. En effet, le quotidien des Africains est marqué par la cohabitation de mécanismes juridiques et judiciaires issus d’ordonnancements différents. Ils sont confrontés, d’une part, à l’ordre coutumier qui comprend les règles coutumières, auxquelles peuvent s’ajouter le droit musulman, et d’autre part, à l’ordre étatique qui comprend les règles dites modernes inspirées de la tradition occidentale.
Selon le Pr Denis-Segui, « les États d’Afrique noire francophone ont, dès leurs naissances, trouvé dans leurs berceaux une législation composite et assez complexe »(1). La célèbre jurisprudence gabonaise de l’affaire de « l’Homme singe » du 22 avril 1964 du tribunal correctionnel de Boué reconnaît de manière implicite le poids du domaine coutumier dans la société et de surcroît sur la justice étatique. En l’espèce, un meurtrier a été jugé non coupable du fait de pratiques magiques et sorcières(2). Si de l’extérieur les droits fondamentaux doivent s’imposer face aux droits coutumiers, dans la pratique les droits coutumiers plus anciens et plus ancrés apparaissent parfois plus légitimes aux yeux de ses pratiquants.
Il semblerait donc nécessaire d’aller vers une conciliation des deux droits. C’est-à-dire, de rechercher un équilibre juste, à la fois pour les pratiquants, mais aussi pour la promotion des droits fondamentaux. Toutefois se pose la question en cas de contradiction entre ces deux droits. En effet, si certains droits coutumiers peuvent encourager, voire être plus protecteurs que les droits fondamentaux, d’autres en revanche peuvent leur porter atteinte.
Les droits coutumiers sont un corpus de coutumes ayant une valeur normative. La coutume quant à elle peut être définie comme une règle de droit et de comportement dont le caractère obligatoire est admis au sein d’un groupe social donné. La coutume se caractérise par une répétition (usage, pratique répétée) qui se perpétue de génération en génération, par le groupe considéré. Les coutumes africaines sont vagues, flexibles et casuistiques en fonction du groupe. Les droits fondamentaux, quant à eux, désignent les droits et libertés essentielles pour les individus. L’idée de la fondamentalité revient à prioriser et hiérarchiser les droits et libertés en fonction de leur essentialité. Ainsi, ils reçoivent une protection constitutionnelle et internationale. En tant que droits fondamentaux, ces droits humains sont justiciables, ce sont des droits subjectifs, c’est-à-dire protecteurs d’intérêt individuel et invocable devant le juge(3).
Les rapports entre le droit coutumier et les droits écrits en Afrique se sont posés avec l’arrivée des puissances coloniales et l’introduction de leurs droits dans cet espace. À cette époque, les droits écrits prévalaient déjà sur le domaine coutumier, notamment par l’organisation d’une cohabitation des deux droits en dénigrant les coutumes pour mieux faire apparaître les mérites des droits écrits. Après les indépendances, les États africains se dotent de constitutions où sont consacrés les droits fondamentaux des personnes. Se met en place une première catégorie de constitution qui donne une importante place à la coutume, c’est le cas par exemple de l’Afrique du Sud(4), du Botswana(5), du Cameroun(6) ou encore de la Gambie(7). Ces pays reconnaissent les droits coutumiers au sein de leurs constitutions et reconnaissent aussi un système dualiste entre les juridictions communes et les juridictions coutumières.
Une deuxième catégorie de constitutions reconnaît les droits coutumiers de manière moins importante. Dans cette dernière catégorie, afin d’éviter tout conflit de lois, certains pays ont intégré dans leur constitution, un article indiquant que les droits coutumiers sont nuls s’ils contreviennent aux dispositions de la constitution et donc aux droits fondamentaux consacrés par cette dernière. C’est le cas notamment du Kenya qui a introduit en 2010 dans sa Constitution un paragraphe précisant que « toute loi, y compris la loi coutumière, serait nulle si elle contrevient à la Constitution (8)». C’est aussi le cas de l’Angola(9), ou encore de la Côte d’Ivoire(10).
Enfin, certains États ne font pas référence aux droits coutumiers dans leurs constitutions. On peut citer ici l’exemple du Cap Vert.
Le rapport de force qui oppose les droits coutumiers aux droits fondamentaux s’exerce également au sein de champs sociaux différents. En Afrique, cette confrontation entre droits coutumiers et droits fondamentaux s’illustre essentiellement en matière foncière, familiale, civile, commerciale ou encore en matière religieuse. Ces champs peuvent se confronter aux droits de la propriété, au principe d’égalité, à la liberté d’aller et venir, la liberté d’opinion et de conscience, à la dignité humaine…etc. Cette confrontation entre droits coutumiers et droits fondamentaux n’est pas spécifique au continent africain. En effet, on peut par exemple citer le Canada ou la Nouvelle Calédonie(11) qui font face aux mêmes réalités africaines.
Au cœur de ce sujet se pose la question de la limite de la conciliation entre droits coutumiers et droits fondamentaux. La réponse sera différente selon qu’on adopte une approche matérielle avec la hiérarchie des normes ou une approche normative. Lorsque les droits coutumiers s’opposent à une émanation du droit étatique c’est-à-dire les droits fondamentaux, se mettent en place différents schémas d’articulation : procédé de séparation, de subordination, d’intégration, de coordination. Cette thématique s’inscrit donc dans la problématique plus générale du pluralisme juridique(12). Cette réalité fait partie des germes des sociétés africaines composées d’une diversité de droits coutumiers.
De ce qui précède, on peut se poser la question de savoir quels sont les schémas d’articulations entre les droits coutumiers et les droits fondamentaux aux regards des constitutions africaines ? La réflexion sera organisée en deux axes majeurs. D’une part, la prévalence des droits fondamentaux sur les coutumes, consacrés par certaines constitutions africaines (I). Et d’autre part, une prévalence remise en question par un pouvoir coutumier ancré (II).
I. La prévalence des droits fondamentaux consacrée par la constitution sur les coutumes
1. Le rapport asymétrique normatif entre droits coutumier et droits fondamentaux
Lorsque les droits humains sont incorporés dans un cadre normatif, qui plus est, une constitution, il est difficile d’admettre que la coutume puisse venir déroger à un droit fondamental. La hiérarchie des normes, présentée par Hans Kelsen sous la forme d’une pyramide, illustre la dépendance entre les normes dont dépend la constitution du système juridique qui en détermine la structure. En d’autres mots, ce sont les constitutions qui « règlent la production, la modification, la destruction de normes ainsi que les conflits entre elles»(13).
En général, les droits coutumiers ont une place subordonnée à la constitution et aux lois. Dans la constitution ghanéenne par exemple : « The laws of Ghana shall comprise, (a) this Constitution;(b) enactments made by or under the authority of the Parliament established by this Constitution ; (c) any Orders, Rules and Regulations made by any person or authority under a power conferred by this Constitution ; (d) the existing law; and (e) the common law. The common law of Ghana shall comprise the rules of law generally known as the common law, the rules generally known as the doctrines of equity and the rules of customary law including those determined by the Superior Court of Judicature. (3) For the purposes of this article, “customary law” means the rules of law which by custom are applicable to particular communities in Ghana (14)».
Le droit coutumier est reconnu dans la Constitution du Ghana comme étant subordonné aux lois codifiées. Pour l’Angola, la coutume a aussi une valeur inférieure à la constitution et aux lois : « Les autorités traditionnelles sont des entités qui incarnent et exercent le pouvoir au sein d’une communauté politique traditionnelle, en conformité avec les valeurs et les règles coutumières et dans le respect de la Constitution et de la loi »(15). Toutefois, si les droits humains sont analysés dans leur essence matérielle, l’obstacle de l’incompatibilité semble facilement surmontable dans la mesure où le fondamentaliste ne découle plus du positionnement des droits humains considérés dans la hiérarchie des normes. Le rapport de verticalité qui pouvait caractériser la coutume et les droits humains dans l’hypothèse précédente devient plutôt un rapport d’horizontalité(16).
Le droit coutumier pourrait alors remettre en cause les droits humains, peu importe la norme étatique qui le garantit : le contenu est ici plus important que le contenant. Ainsi, dans une décision du 14 novembre 1960 relative au droit coutumier et précisant ses conditions d’application, la Cour suprême de la Haute-Volta affirme que : « l’article 41, du décret du 3 décembre 1931 réorganise la justice de droit local. Ex AOF (…) le tribunal a déclaré (…) qu’au terme de l’article 6 du décret du 3 décembre 1931, en matière civile et commerciale, les juridictions appliquent exclusivement la coutume des parties (…) qu’en effet, de jurisprudence établie, la religion catholique ne confère pas au convertit un statut particulier ou des droits civils nouveaux contraires à la coutume ; qu’il s’ensuit que dans la cause, la coutume catholique est inexistante et que seule la coutume mossie qui ignore l’indissolubilité du mariage était applicable ».
2. La reconnaissance de la coutume dans certaines constitutions soumise à des conditions : « ne pas être contraire aux droits fondamentaux »
De nombreuses constitutions reconnaissent les droits coutumiers, mais à condition que ces derniers respectent « la loi, les bonnes mœurs, l’ordre public, et la personne humaine ». L’article 7 de la Constitution de l’Angola dispose que : « La validité et la force juridiques de la coutume sont reconnues si elle n’est pas contraire à la Constitution et ne porte pas atteinte à la dignité humaine ». L’article 153 de la Constitution de la République Démocratique du Congo dispose aussi : « Les Cours et Tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux dument ratifiés, les lois, les actes règlementaires pour autant qu’ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ». En réalité, cette mention de la coutume n’est faite qu’à condition de codification. Autrement dit, pour pouvoir invoquer une coutume, il faut que celle-ci soit écrite. Et comme cette codification se réalise par la loi, on peut en déduire que les coutumes qui seront codifiées devront nécessairement respecter les droits et libertés fondamentales. In fine, cette reconnaissance de la coutume doit plutôt être analysée comme une « consécration constitutionnelle de la condamnation des coutumes »(17).
3. L’omission des droits coutumiers dans les constitutions : étude de cas de la Constitution algérienne et gabonaise
L’absence de mention des droits coutumiers va être le fondement de leur subordination aux droits fondamentaux. Dans la doctrine se pose l’hypothèse qu’il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’une volonté de la part des constituants de supprimer les droits coutumiers. C’est une doctrine du courant normativisme refusant classiquement toute place aux droits coutumiers en droit constitutionnel. En effet, la spécificité de la constitution tient à son caractère de norme suprême dû à sa rigidité, c’est-à-dire que sa modification (et sa création) sont soumises à des exigences organiques et procédurales plus contraignantes que celles des autres normes. En conséquence, il est difficile d’admettre au niveau constitutionnel des règles non écrites formées en dehors de ces exigences. Une pratique s’écartant du texte constitutionnel ne peut donc s’analyser que comme une violation de ce texte et non comme une coutume, selon ce courant.
Face à ce vide constitutionnel, il faut donc regarder au niveau infra constitutionnel ou au niveau des décisions judiciaires pour constater la place des droits coutumiers par rapport aux droits fondamentaux consacrés par la Constitution. Prenons l’exemple de l’Algérie où il n’est fait aucune mention des droits coutumiers dans la constitution. C’est le Code civil qui va lui donner une place. Ce dernier affirme qu’en l’absence d’une disposition légale telle que la Constitution et les lois, le juge se prononce selon les principes du droit islamique et à défaut, selon la coutume(18).
La jurisprudence de la Cour suprême le confirme dans deux affaires : dame Si Salah c/ Radjef du 21 juin 1967, concernant le droit de la femme kabyle à l’héritage et l’affaire S. Saliha c/ M.Rabah du 12 mai 1968 concernant le droit de garde des enfants. Dans ces deux affaires, la coutume est écartée puisqu’il est invoqué dans chaque affaire l’attendu de principe « en matière d’état des personnes, la coutume ne saurait faire échec à la loi »(19). On note que le préambule de la constitution précise que « La Constitution est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple et confère la légitimité à l’exercice du pouvoir ».
Concernant le Gabon, la Constitution ne mentionne pas spécifiquement la place des droits coutumiers dans l’ordre normatif. Mais au niveau législatif, la loi gabonaise reconnaît certaines pratiques culturelles. En effet, malgré un refoulement persistant de l’État envers la justice coutumière, celle-ci ne cesse de persister(20). Des lois sont tombées en désuétude telle que l’incrimination de la dot parce que les juges déboutent régulièrement les demandeurs et répugnent visiblement à appliquer les textes. Dans cette continuité, le 21 décembre 2020, l’Assemblée nationale gabonaise a adopté une loi reconnaissant le mariage coutumier pratiqué devant les autorités coutumières(21).
4. La place fondamentale interprétative des juridictions
Concernant le juge étatique, c’est en général la cour constitutionnelle ou la Cour suprême qui a le pouvoir d’interpréter une norme face à un droit fondamental consacré dans la constitution. Les juridictions nationales sont saisies pour constater la contrariété de certaines pratiques coutumières avec les droits fondamentaux. La cour constitutionnelle béninoise dans une décision du 19 février 2002 sur le conflit entre principe de dignité humaine et le droit coutumier, affirme qu’une autorité traditionnelle n’a pas compétence aux vues de la Constitution pour exercer une justice pénale. En outre, la tradition idaasha qui conduit à infliger des sévices corporels aux personnes, contraires à la constitution (torture, traitement inhumain et dégradant,) constitue une violation de la Constitution. Dans le même sens, la haute cour de la Tanzanie a été saisie pour déclarer qu’une règle codifiée de l’ethnie Haya était contraire à la déclaration des droits inscrits dans la Constitution. Cette règle affirme le fait que des terres appartenant à un clan ne peuvent être vendues à une femme(22).
II. L’ancrage du domaine coutumier
1. La cohabitation entre les droits coutumiers et les droits fondamentaux
Certaines constitutions africaines vont au-delà de la reconnaissance des droits coutumiers, elles permettent une cohabitation entre cette dernière, avec les droits fondamentaux. Le Botswana ou encore le Cameroun en sont de parfaits exemples. Au Botswana, les juridictions coutumières furent reconnues par la Native Tribunals Proclamation de 1934. La constitution a créé deux catégories de cours : les Senior Native Tribunals. Depuis l’indépendance, le système dualiste a été retenu. Tandis que les cours coutumières conservent leur juridiction sur les affaires de droit coutumier, les cours modernes appliquent la common law. Il sied de noter que les cours coutumières sont subordonnées aux cours modernes.
Le Cameroun connaît un dualisme hérité de la période coloniale, le législateur camerounais a purement et simplement reconduit les dispositions antérieures. C’est ainsi que le décret du 18 décembre 1959, pris en application de l’ordonnance du 17 décembre 1959 portant réforme et organisation de la justice au Cameroun, dispose en son article 2 que « les tribunaux du premier degré et les tribunaux coutumiers institués par les décrets du 31 juillet 1927 et 26 juillet 1944 sont temporairement maintenus et continuent de statuer comme auparavant »(23).
2. Les autorités coutumières intégrées dans le pouvoir étatique
En Afrique, le citoyen, l’individu, n’est pas soumis à un seul et unique pouvoir de contrainte, le pouvoir de l’État. Il est également soumis au pouvoir humain et palpable de la communauté dans laquelle il s’identifie, car il y puise ses racines et son identité. Ce pouvoir est parfois personnifié par une royauté. À titre d’illustration, on citera le roi Oyo Nyimba IV du royaume Toro en Ouganda, le roi Nyimi Kot a-Mbwek II du Royaume Kuba (Kasaï occidental, RDC), le Mwata Yamvu III, roi des Lundas du Katanga (RDC), de Zambie et d’Angola, etc(24).
Concernant les caractéristiques de ces autorités, il s’agit essentiellement d’hommes. Si durant la période précoloniale, on compte de nombreuses femmes juges, appelées par exemple ewe au Nigeria ou ndey chez les wolofs, aujourd’hui elles sont quasi inexistantes. Il convient de mentionner l’émergence d’autorités coutumières féminines en Afrique australe, en particulier en Afrique du Sud et au Malawi. À titre d’exemple, nous pouvons citer Theresa Kachindamoto et son combat contre les mariages précoces.
La résistance des droits coutumiers passe aussi par la participation des autorités coutumières dans les institutions étatiques. Dans de nombreux pays, les autorités coutumières sont fortement présentes au sein du pouvoir législatif et exécutif. Au Botswana par exemple, la Chambre des chefs est un organe important, obligatoirement consultée en cas de révision de la Constitution, ainsi que pour tous les textes relatifs au droit coutumier, au droit familial ou personnel, au régime de propriété des sols et à certains aspects du droit civil(25). Elle est composée d’une majorité de huit Chefs traditionnels (héréditaires) des principales tribus du Botswana énumérées par la Constitution. En pratique, il semble que cette Chambre consultative exerce une influence significative.
3. La résistance des droits coutumiers africains : une persévérance expliquée par le contexte socioculturel africain
Les spécialistes du pluralisme juridique et judiciaire font remarquer que l’ineffectivité du droit dit moderne était due à l’inadéquation entre le droit voulu par l’État et le droit vécu par une majorité de la population : « un net décalage entre le pays réel et le pays légal ». De plus, cette ineffectivité des droits humains tient au manque d’implication des autorisés dans la vulgarisation de ces droits et la sensibilisation des populations, notamment rurales(26). Dans le contexte africain, la résistance des droits coutumiers s’explique par leur caractère plus ancestral et plus légitime aux yeux de ces pratiquants qui répondent aux caractéristiques des sociétés holistiques africaines à la différence des droits fondamentaux individualistes. Deuxièmement, on remarque que les États africains dans un souci de paix sociale soutiennent les droits coutumiers. Au Kenya, par exemple, une loi votée en mars 2014 autorise les hommes à épouser autant de femmes qui le souhaitent. Ce qui est absurde, c’est que la coutume, sur laquelle cette loi se fonde, exige le consentement préalable des premières épouses, alors que cette nouvelle loi va encore plus loin. Elle conforte non seulement la tradition, mais constitue également un recul par rapport à la norme coutumière.
4. Les coutumes visionnaires : une source d’inspiration pour les droits fondamentaux liés au droit à un environnement sain
Dans ce dernier paragraphe, on va tenter d’affirmer que certaines coutumes notamment en matière environnementale sont visionnaires par rapport aux droits fondamentaux contemporains. Elles s’inscrivent donc comme un modèle pour la 3e génération des droits humains. Dans une approche historique, le droit coutumier constitue la première source du droit de l’environnement dans les États africains. Aujourd’hui on retrouve dans plusieurs pratiques coutumières, des normes protectrices de l’environnement qu’on ne retrouve pas dans les droits fondamentaux contemporains. Ceci se justifie dans la mesure où l’individu de pratique animiste, par exemple, vit en harmonie avec la nature dont il se conçoit comme un des éléments. Cette préoccupation se traduit par des prescriptions telles que la réglementation de la coupe de l’arbre. Bien que relégué par les législations dites modernes, ce droit coutumier demeure un très grand rempart de la protection juridique de l’environnement en zones rurales et joue, dans certains cas, le rôle de droit supplétif.
- Auteur: Danouchka Assoumou
(1) DEGUI-SEGUI René, « Chapitre XVIII : Codification et uniformisation du droit », Encyclopédie juridique d’Afrique, État et droit, Abidjan, Nouvelles éditions africaines, 1982, p453.
(2) Les juges du tribunal correctionnel de Boué ont retenu une version des faits traditionnelle, habillée organiquement, formellement et lexicalement de tous les codes du droit français.
(3) BALLOT Élodie, Les insuffisances de la notion de droit fondamentaux, Paris, Éditions Mare et Martin, 2014, p.554.
(4) « La Constitution reconnaît aussi les autorités traditionnelles bantoues et un droit indigène (ou autochtone). Juridiquement parlant », Constitution de l’Afrique du Sud.
(5) Art 10 et 88, Constitution du Botswana.
(6) Ordonnance n° 59-86, fixant l’organisation judiciaire de l’État, J.O. 29 déc. 1965, modifié par ordonnance 72-4 du 26 août 1972 ; décret 69-DF.544 du 18 déc. 1969, fixant l’organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun Oriental, J.O. du 31 déc. 1969, p. 2392 ; NKOUENDJIN yotnda, « Soliloques sur certains problèmes soulevés par l’organisation judiciaire de la République du Cameroun », Penant 1976, p. 5 ; GOUEM Jules, L’organisation juridictionnelle du Cameroun (thèse de 3e cycle droit privé), Yaounde, 1982.
(7) Le système juridique de la Gambie est fondé sur le droit anglais (Common Law), le droit islamique et le droit coutumier. FIDH, « Gambie, climat de peur chez les défenseurs des droits de l’Homme », Rapport de mission internationale d’enquête, juillet 2011, p.3.
(8) Art.2 de la Constitution du Kenya.
(9) Art.7 de la Constitution de l’Angola.
(10) L’Etat promeut et protège le patrimoine culturel ainsi que les us et coutumes qui ne sont pas contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs la procédure selon laquelle les us et coutumes sont constatés et mis en harmonie avec les principes fondamentaux de la Constitution.
(11) Voir à ce sujet le droit coutumier kanak.
(12) OUATTARA Aboudramane, « Prolégomènes pour une épistémologie du droit en Afrique », Revue Droit sénégalais, n°11, 2013, p. 254.
(13) Denis ALLAND et Stéphane RIALS, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy & PUF, 2003, p. 780.
(14) Art.11 de la Constitution du Ghana.
(15) Art. 224, Constitution de l’Angola
(16) HOURQUEBIE Fabrice, « Droits coutumier et droits fondamentaux, l’impensable rencontre », Pluralisme juridique et droit fondamentaux, Collection Kulture, Institut Universitaire Varenne, 2017, p.13.
(17) DEGUI-SEGUI René, « Chapitre XVIII : Codification et uniformisation du droit », Encyclopédie juridique d’Afrique, État et droit, Abidjan, Nouvelles éditions africaines, 1982 p.465.
(18) Art 1. Code civil algérien.
(19) CUBERTAFOND Bernard, « L’algérianisation du droit mythe ou réalité », Revue Juridique, Politique, Indépendance et Coopération (RJPIC), n° 2, 1976, p. 213.
(20) ETOUGHE Dominique, Justice indigène et essor du droit coutumier au Gabon : La contribution de Léon M’Ba – 1924-1938, p.15.
(21) L’Union. Assemblée nationale : vers l’adoption du texte légalisant le mariage coutumier. [Ressource électronique]. 16 décembre 2020. Non paginé. Disponible sur : https://www.union.sonapresse.com/gabon-politique/assemblee-nationale-vers-ladoption-du-texte-legalisant-le-mariage-coutumier-23303 [consulté le 27 septembre 2021]
(22) Haute Cour de la Tanzanie, Décision Ephraim v. Pastory, 22 février 1990.
(23) L’expression “comme auparavant” fait référence à la période de la colonisation.
(24) MALATA TALA Léonard. « L’ineffectivité du droit positif en Afrique subsaharienne », Civitas Europa, vol. 31, no. 2, 2013, pp. 239-260.
(25) Sénat, « Afrique australe : le Botswana un modèle pour l’Afrique ? », en ligne (consulté le 02/12/2019) : https://www.senat.fr/ga/ga26/ga262.html.
(26) OUÉDRAOGO Djibril, « Le difficile ménage entre droit coutumiers et droits fondamentaux dans les pays africains : de la contestation à la permanence des droits coutumiers », Pluralisme juridique et droit fondamentaux, Collection Kulture, Institut Universitaire Varenne, 2017, p.109.